L’histoire de Port d’Albret
I – LE TEMPS DE CAPBRETON SUR ADOUR (avant 1310)
Capbreton qui abrite aujourd’hui le seul port de pêche et de plaisance des Landes ouvert sur l’Océan, est bien né de l’Adour.
En effet, dans son parcours des Pyrénées au Golfe de Gascogne, l’Adour, après avoir longé la ville de Bayonne, déviait autrefois sa course pour remonter vers le nord, le long de la côte.
Il est établi que la première embouchure historique connue se situa longtemps à Capbreton, presque en face du Gouf .
Un port s’y établit. Outre sa rade protégée, l’accès en était facilité par la présence du fameux et encore mystérieux Gouf situé au large et au droit de l’embouchure de l’Adour. Cette profonde et longue fosse sous marine, qui reste une énigme géologique, fut très tôt connue des marins. La houle n’y déferlant pas, l’océan y est en effet plus calme par gros temps.
C’est d ailleurs à cet endroit qu’aux IXe et Xe siècles les Normands avaient pénétré dans la Gascogne.
Le port actuel de Capbreton
II –L’ADOUR S’ETABLIT A PORT D’ALBRET (1310-1578)
Entre 1307 et 1312, à la suite de tempêtes et de pluies diluviennes, l’Adour impétueux gonflé de sables et d’alluvions finit par obstruer l’embouchure primitive avant d’ouvrir par la force de ses eaux une nouvelle brèche à seize kilomètres plus au nord, au lieu-dit du Pleicq.
Ainsi naquit le nouveau Boucau (bouche, embouchure) auquel fut attribué le nom de Port d’Albret et qui devint Vieux Boucau seulement après 1578.
L’Adour creusa là une rade entre Vieux-Boucau et Moïsan (Moïsan vient du nom d’un navire resté à sec et abandonné en 1578 dans la partie nord-ouest de la rade de Port d’Albret lors du détournement de l’Adour au profit de Bayonne)
C’est par ce « vieux boucau » que pénétra la flotte de l’armée d’Henri de Lancastre venue soumettre Bordeaux avec ses 500 chevaliers et 2000 archers, le Périgord et l’Agenais en 1345. Plus tard, ce fut en ce même lieu qu’entrèrent les flottes espagnoles venues assiéger Bayonne à plusieurs reprises.
Le témoignage du passage de l’Adour le long de la côte landaise est conservé par les anciennes cartes des XVIIe et XVIIIe siècles. Elles montrent le chapelet de lacs qui suit l’ancien lit du fleuve.
extrait de la carte de la Coste de Gascogne en 1653
III – LE DETOURNEMENT (1578)
Bayonne riche de son trafic fluvial né en amont de l’Adour depuis Saint-Sever et Dax, et même Mont-de-Marsan par la Midouze, ou Peyrehorade, voyait son activité décliner faute de débouché direct vers l’Océan. La situation portuaire se dégradait. Les conditions de navigation entre Port d’Albret et Bayonne devenaient de plus en plus difficiles suite à l’ensablement du lit de l’Adour Le chenal vers la mer se modifiait au gré des intempéries, si bien que les gros navires de 800 ou 900 tonneaux ne pouvaient plus y pénétrer..
Après plusieurs enquêtes, le roi Charles IX, décida le détournement de l’Adour, et permit qu’un nouveau havre soit ouvert à trois kilomètres de Bayonne (le Boucau neuf) par l’édification d’une digue et le creusement d’un chenal vers l’Océan.
Les travaux commencèrent en 1566 par le barrage, à l’endroit du coude où le fleuve se tournait alors à angle droit vers le Nord, pendant qu’une tranchée était ouverte vers l’océan.
Les travaux de détournement, titanesques pour l’époque, s’étalèrent sous le règne d’Henri III de 1572 à 1578. Ce fut finalement, malgré des multiples difficultés et l’obstruction, voire sabotages, des voisins landais, une violente tempête provoquant la crue de la Nive et de l’Adour qui le 25 octobre 1578, après avoir inondé Bayonne, ouvrit le nouveau passage du Boucau neuf.
L’Adour perdue, le Pleicq devint le Vieux-Boucau de l’Adour. N’en demeuraient pas moins présents le Havre du Boucau et une ouverture sur l’Océan qui permit le développement d’une activité maritime cette fois amenant les Ducs d’Albret à parler de « leur Port d’Albret ». Cette période fut selon toute vraisemblance l’une des plus prospères du Site.
Les emblématiques Pinasses s’illustrèrent alors autant dans leur activité de commerce que dans leur activité militaire. Malheureusement les seules eaux des courants intérieurs ne suffisant pas à désensabler l’embouchure, après une lente agonie cette activité s’étiola du fait de l’envasement du havre pour laisser au final la place au Junka.
IV – LES MARINS DE VIEUX-BOUCAU (1578 à 1970)
Vieux-Boucau poursuivit son développement jusqu‘en 1630, sous Louis XIII, en conservant une réelle activité maritime par l’embouchure du Port d’Albret devenue avant-port de Bayonne. On y radoubait et réparait toujours les vaisseaux, et on y achevait par prudence le chargement des bateaux à fort tonnage commencé à Bayonne.
Le 23 Juillet 1627 la flotte anglaise sous les ordres du Duc de Buckingham débarque sur l’ile de Ré. La stratégie des anglais n’est pas de combattre mais de faire le siège du Fort de Saint Martins et d’affamer la population. Du côté mer, les anglais font le blocus de l’accès à Saint Martin. Richelieu demande alors au Gouverneur de Bayonne d’armer 15 pinasses, ces bateaux ayant la réputation d’être « aussi adroit à la voile qu’à la rame » afin de ravitailler Saint Martin. Le 5 septembre, à la nuit tombée, le capitaine Vallin, à la tête de 12 pinasses armées par les habitants du « havre de Vieux-Boucau », force le blocus, essuie des tirs de mousquets et des tirs de canon qui heureusement ne feront pas de blessés. Plus loin la flottille rencontre des obstacles dressés par l’ennemi pour empêcher le passage des bateaux, mais les pinasses aidées par leur faible tirant d’eau et par une tempête qui a abimé l’ouvrage, peuvent passer et rejoindre la citadelle de Saint Martin qu’ils atteindront à 2 heures du matin. Ils déchargeront « plus de 200 tonneaux de farine, 60 pipes de vin d’Espagne, des médicaments, des morues, des pois, 60 bœufs salés, des jambons, des chaussures, des vêtements, du charbon pour se chauffer, et deux chirurgiens… »
Les anglais, quant à eux assistent le lendemain, au défilé des assiégés qui promèneront au bout de leurs piques des jambons et des poulets. Ils comprendront alors que rien n’est gagné. Le 6 octobre un second convoi atteint Saint Martin avec 6 semaines de vivres.
Le Roi, ne supportant plus ces attaques successives se rend à La Rochelle pour organiser la défense. Le 8 Novembre, Buckingham subira une énorme défaite où plus de 1200 anglais perdront la vie, et Vieux Boucau obtiendra du roi, en retour, des franchises municipales, en récompense des services rendus par ses habitants.
Cependant, au fil des décennies, Vieux-Boucau va voir son activité maritime progressivement décliner avec son port qui s’ensable définitivement. Malgré cela, le port de Vieux-boucau figurera dans l’ « Atlas des ports de France » jusqu’à l’édition de 1881…
Dans la deuxième moitié du XIX siècle, en plus d’une activité traditionnelle liée à la transformation du liège, à l’exploitation de la forêt et de la vigne, Vieux Boucau va connaître une activité artisanale de pêche côtière. Les marins de Vieux-Boucau armeront 21 pinasses dont quatre navigueront simultanément, témoignage de la vitalité de la pêche côtière.
Malheureusement en raison de la raréfaction du poisson et du manque de disponibilité des équipages, cette activité va décliner et la dernière pinasse ancrée à Vieux-Boucau, la Boucalaise III, terminera sa vie échouée aux abords du courant en 1975.
V – LA TRANSFORMATION TOURISTIQUE DU PORT D’ALBRET (1970-2022)
La mode des bains de mer localement soutenue par la proximité de Biarritz, les congés payés ensuite, offrirent l’opportunité d’une amorce de développement touristique. Cette activité se développa en Aquitaine dans les années 70, sous l’égide de la MIACA, (Mission Interministérielle d’Aménagement de la Côte Aquitaine présidée par M. Emile BIASINI).
Les travaux gigantesques débutent en 1975 et sont achevés en 1980 avec le creusement d’un lac marin situé probablement à l’emplacement historique du « Port d’Albret » dont il ne reste plus aucun vestige.
La nouvelle station touristique se développe autour du lac marin, d’abord sur le village de Vieux-Boucau, puis sur Soustons.
Vieux-Boucau actuel
Mais, tout comme le Port d’Albret historique, le Lac Marin inauguré en 1975 est actuellement menacé : son volume s’est réduit de 23% de 2003 à 2021 à cause de l’ensablement et de l’envasement. Il est aussi victime de la prolifération des algues vertes qui profitent des polluants agricoles et industriels apportés par les courants de Soustons et du Moïsan, et qui sont repoussés par la mer dans le lac marin lors de la marée montante.
Ce magnifique écosystème doit être protégé et entretenu régulièrement sinon il redeviendra rapidement un « junka » comme ce fut le cas par le passé.